© Martin Barzilai /
Israël, 2008 - 2017.
Les Israéliens sont imprégnés d’une culture militariste dès leur plus jeune âge. Durant toute leur scolarité, des militaires viennent leur expliquer l’importance de l’armée et du moment du service national. Pourtant, un certain nombre d’entre eux appréhendent ce moment comme un basculement. Ces insoumis incarnent un point de rupture, une discontinuité dans une société pensée comme un bloc militariste monolithique. Israël se tient dans le trio de tête des pays en matière de dépenses d’armement par habitant, après les Émirats arabes unis et les États-Unis (les données précises de la Corée du nord ne sont pas connues) : 1 882 dollars en 2009, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Tsahal compte dans ses rangs environ 186 500 soldats et peut mobiliser 445 000 réservistes pour un pays de 8,6 millions d’habitants. Dans la vie civile, à l’Université, comme sur le lieu de travail, on s’enquerra immanquablement des états de service des étudiants et des salariés. Les Israéliens sont enrôlés à l’âge de 18 ans, pour un service de trois ans pour les hommes et deux ans pour les femmes, à l’exception des Arabes israéliens (18 % de la population) et de la plupart des Juifs haredim qui se consacrent à l’étude religieuse. On peut être exempté en raison de problèmes physiques ou mentaux. Moins de 60 % des Israéliens font leur service jusqu’à son terme (source : newprofile.org). Si un appelé refuse l’incorporation sans vouloir simuler un problème psychique, il peut se déclarer pacifiste et passer devant une commission. Dans ce cas, il doit prouver, témoins à l’appui, qu’il n’a jamais supporté l’usage de la violence. Si la commission juge ses arguments non crédibles, il encourt la prison. Il n’existe pas de service civil pour les hommes. En revanche, la femme qui plaide l’objection de conscience peut effectuer un service civil. Les femmes mariées, enceintes ou religieuses ont la possibilité d’échapper complètement au service militaire. Certaines jeunes filles qui se déclarent pratiquantes sont parfois soumises à des vérifications. Enfin, la solution la plus radicale consiste à manifester son désaccord avec l’occupation des territoires palestiniens. Ces jeunes refuzniks sont appelés shministim, ce qui signifie « bacheliers » en hébreu. À la date de la conscription, ils se regroupent à la fin de leur dernière année de lycée, pour rédiger une lettre collective à l’attention de la presse et de l’état-major dans laquelle ils dénoncent la politique de l’État israélien en Cisjordanie. Ces adolescents se retrouvent alors enfermés dans une prison militaire pour des périodes qui peuvent varier de quelques semaines à deux ans selon les cas. Le point commun des refuzniks présentés dans ce livre – shministim, pacifistes, rescapés d’une tentative de suicide, réformés, réservistes… – réside sans doute dans le courage qu’implique l’insoumission dans un pays où la pression de l’État est constante et où le prix à payer en terme d’exclusion sociale et parfois de rejet familial est extrêmement élevé. Ce travail a fait l’objet d’un livre comportant 47 portraits , entretiens et photos contextuelles paru aux éditions Libertalia en novembre 2017. Il a été exposé à la Maison de l’Image Documentaire de Sète d’octobre 2017 à février 2018.